C’est l’histoire d’un duo comique inséparable, d’une pause-café à la française et d’un projet qui a dormi sept ans avant de trouver preneur. La série populaire Caméra Café s’inscrit aujourd’hui dans le patrimoine audiovisuel français. Elle a fait l’objet de multiples adaptations à l’étranger et ses fidèles spectateurs y sont toujours aussi attachés.
Le carton fait par la dernière soirée de Plus belle la vie sur France 3, le 18 novembre (après dix-huit saisons et 4 665 épisodes), n’a pas échappé à M6, qui propose une soirée inédite en l’honneur de sa fiction transgénérationnelle. La chaîne diffuse ce soir, en deux sessions, une forme d’épilogue à sa série : une fiction, Caméra Café : 20 ans déjà, suivie d’un documentaire, Caméra Café, 20 ans après (Calt Production), avec des anecdotes, des séquences-cultes et des témoignages sur ce premier format court et quotidien de la chaîne. L’occasion de découvrir ce que ses interprètes sont devenus, plusieurs années après un arrêt – délibéré – au sommet en 2004.
On revient sur la genèse de l’amitié fusionnelle qui unissait les deux protagonistes, Yvan Le Bolloc’h (le commercial Jean-Claude Convenant) et Bruno Solo (le directeur des achats et délégué syndical Hervé Dumont), qui imaginèrent ce projet pour le plaisir de jouer ensemble, accompagnés du scénariste Alain Kappauf. Enchaînant les refus pendant sept ans – les gens voudront-ils se voir au travail une fois rentré chez eux ? –, c’est finalement la chaîne M6, à la recherche d’un programme national de sept minutes, qui se déclare preneuse.
Caméra Café débarque sur le petit écran le 3 septembre 2001 et se transforme très rapidement en succès. Rassemblant entre quatre et cinq millions de téléspectateurs quotidiens, elle parvient aussi à toucher les enfants, alors surreprésentés dans son audience. L’humour et les traits de caractère excessifs de ses personnages, une légèreté familière et décontractante conquièrent le public. « Avec cette série, nous avons créé une deuxième famille », explique Yvan Le Bolloc’h. Et si les tournages des sept cents épisodes sont ponctués d’interminables fous rires, c’est aussi (et surtout !) dû à l’exigence dans l’écriture de la trentaine d’auteurs qui alimentent l’efficacité de ce duo.
Mais Caméra Café ne tourne pas qu’autour des deux principaux acteurs. Le documentaire rend aussi hommage aux autres personnages, qui ont contribué à lui offrir son épaisseur. On y redécouvre Jeanne (Jeanne Savary), la naïve secrétaire de direction, Sylvain (Alexandre Pesle), l’expert-comptable et souffre-douleur de ses collègues, Philippe (Alain Bouzigues), l’exubérant responsable informatique. Les interprètes dévoilent leurs anecdotes sur la série. Philippe Cura, qui y joue le chauffeur du patron, explique qu’il a décroché le rôle en se faisant passer pour un coursier : « Bonjour, j’ai un colis de la part de Bruno Solo », a-t-il dit aux producteurs, à qui il a donné « cassette VHS. Trois semaines après, j’ai été appelé ».
Pour cette soirée empreinte de nostalgie, les trois larrons entendaient surfer plus que jamais sur l’air du temps, « avec le ton caustique et humoristique qui a toujours été [leur] marque de fabrique », raconte Bruno Solo. « Vingt ans après, si le monde du travail a subi des bouleversements majeurs – télétravail, ubérisation –, il n’en demeure pas moins traversé par la peur du chômage et du déclassement, tout comme Hervé et Jean-Claude », souligne Yvan Le Bolloc’h, dont le personnage est « devenu has been dans son entreprise 2.0 », une PME de province qui menace de le licencier. En 2023 comme en 2003, la machine à café demeure plus que jamais le lieu de catharsis en entreprise.
source: Le Monde