Victoire sur toute la ligne pour les dix anciens militants d’extrême gauche italiens réfugiés en France et menacés d’extradition vers leur pays d’origine pour des faits de terrorisme remontant aux années 1970-1980. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a rendu, mercredi 29 juin, un avis défavorable en bloc pour les dix demandes d’extradition présentées par Rome au printemps 2021.
Il s’agit d’une véritable déception pour l’Etat italien, qui avait lancé dix mandats d’arrêt au printemps 2021. C’est aussi un désaveu cinglant pour le président de la République, Emmanuel Macron, et le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, qui s’étaient engagés auprès de leurs homologues à exécuter les expulsions demandées dès que la justice aurait rendu un avis favorable. Il s’agissait d’une rupture franche avec la « doctrine Mitterrand », une règle non écrite remontant aux années 1980, qui voulait que la France accueille des terroristes italiens à condition qu’ils déposent les armes.
La décision est susceptible de cassation, mais uniquement sur des points de procédure. « Nous allons attendre de savoir si le parquet général forme un pourvoi en cassation contre la décision » et de connaître les motivations de la chambre de l’instruction dans le détail, a réagi l’avocat de l’Etat italien, Me William Julié.
Lorsque la chambre de l’instruction a ouvert ses portes, mercredi à 13 h 30, une foule telle était massée devant la petite salle d’audience que seuls les prévenus, leurs avocats et leurs familles ont pu y accéder et entendre la juge lire sa décision. Sans dévoiler les attendus de ses décisions, la présidente de la chambre de l’instruction a justifié ses avis défavorables par le respect du droit à la vie privée et familiale et le droit à un procès équitable, prévus respectivement par les articles 8 et 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle a écarté les compléments d’information requis pour chacune des procédures par les deux avocats généraux au regard de la date des faits et de la durée de la procédure. Le tout a duré moins de quinze minutes.
A l’énoncé de la décision, des cris étouffés et des larmes ont étreint plusieurs des anciens militants, aujourd’hui âgés de 61 à 78 ans, tombant dans les bras de leurs familles présentes. Hors de la salle, des proches venus pour l’occasion ont exulté, serrant le poing et lançant de discrets hourras. Un député de la Ligue (extrême droite), Daniele Belotti, ceint de son écharpe vert-blanc-rouge, et des membres de l’association nationale des carabiniers en tenue d’apparat tentaient, incrédules, de se faire traduire la décision.
source: Le Monde