Difficultés d’accès à des soins dentaires, ophtalmologiques, traumatologiques, gynécologiques ou dermatologiques… Un rapport de l’Observatoire international des prisons (OIP), publié ce mercredi, dénonce le manque d’accès aux soins spécialisés des détenus.
Dans un rapport paru mercredi, et auquel franceinfo a eu accès, l’Observatoire international des prisons (OIP) dénonce les problèmes auxquels sont confrontés les détenus pour bénéficier de soins spécialisés.
Le rapport, qui se concentre sur l’accès aux soins physiques (et pas psychiatriques), pointe comme principale difficulté les délais d’accès à des soins spécialisés (soins dentaires, kinésithérapie, cardiologie, ophtalmologie). Les détenus sont obligés de patienter des mois, et pour certains, ils n’ont tout simplement pas la possibilité de consulter des médecins spécialistes.
Ces difficultés entraînent une détérioration de l’état de santé des personnes incarcérées, avec des conséquences parfois dramatiques : des pathologies qui s’aggravent, des cancers non détectés, et plus globalement une perte de chance de guérir et d’être soignés, souligne le rapport.
L’OIP a recueilli le témoignage de Laura, incarcérée à Roanne, dans la Loire, à qui un gynécologue a refusé de pratiquer un frottis. Bénéficiant d’un aménagement de peine, un an et demi plus tard, elle a enfin pu effectuer cet examen qui a révélé un cancer du col de l’utérus.
De son côté, Delphine, dont le compagnon était incarcéré, rappelle les conséquences parfois dramatiques des délais de prise en charge. Son compagnon n’a pu bénéficier d’une série de tests nécessaire pour détecter la « grosseur » présente sur son corps qu’avec quatre mois de retard et alors que son état se dégradait à vue d’œil. Il n’a obtenu le droit de sortir de prison que « pour mourir » de ce cancer, a-t-elle relaté, émue et en colère.
Autre source de dysfonctionnements dans l’accès aux soins en détention : le manque de personnel, de matériel ou de locaux adaptés et de budget qui affectent le suivi des détenus.
Compte tenu de l’absence de personnel et d’équipement dans les centres pénitentiaires ou pour des opérations chirurgicales, les détenus se trouvent dans l’obligation de sortir de prison pour certains soins (entre 30.000 et 50.000 extractions médicales ont ainsi été réalisées en 2020, selon les autorités). Ces sorties sont très souvent annulées en dernière minute, souvent faute d’escorte disponible, dénonce l’OIP.
Au point que le médecin de la prison est parfois contraint de « choisir » entre une urgence et un IRM « prévu depuis des mois », a décrit la médecin-cheffe de l’hôpital pénitentiaire de Fresnes, Anne Dulioust. A des rares occasions, a-t-elle noté, « en râlant beaucoup, on a les deux ». Souvent aussi, reconnaît l’OIP, c’est le détenu lui-même qui annule son rendez-vous médical.
Le rapport décrit également de sérieuses difficultés concernant la confidentialité des soins. En théorie, l’administration pénitentiaire définit quatre niveaux de « méthodes » d’escorte, en fonction de la dangerosité du détenu. Mais en pratique, insiste l’OIP, « dans l’immense majorité des cas, menottes et entraves sont généralisées », voire maintenues pendant les consultations médicales.
« J’avais les menottes aux mains et l’attache à la taille, en laisse comme un chien », a témoigné un détenu dans le rapport. « J’ai fait ma coloscopie attaché au lit, avec l’escorte présente dans la pièce », a écrit un autre.
Parmi les recommandations pour améliorer la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées, l’OIP requiert « une réforme des politiques pénales pour mettre fin à la surpopulation carcérale ». L’Observatoire international des prisons évoque le budget alloué à la santé en prison calculé en fonction du nombre théorique de détenus alors qu’on sait qu’il y a une surpopulation carcérale de 120 %, selon les données statistiques du ministère de la Justice au 1er mai 2022.
Il appelle aussi à « doter les unités sanitaires des équipements médicaux nécessaires à l’exercice des spécialités présentes en détention » et à favoriser les permissions de sortie pour se faire soigner.
source: France Bleu