L’Observatoire international des prisons (OIP) publie, mercredi 6 juillet, un rapport sur l’accès aux soins spécialisés dans les prisons françaises, hors psychiatrie. Un sujet peu exploité. Les détenus sont le plus souvent des gens abîmés avec un état de santé dégradé par rapport à la population générale et l’incarcération elle-même favorise la venue de nombreuses pathologies.
Manque de personnel soignant, manque de locaux adaptés, logiques sécuritaires qui mettent à mal la prise en charge et le suivi médical… Dans son rapport, paru ce mercredi, l’Observatoire international des prisons (OIP) alerte sur le manque de soins en prison qui conduit souvent à priver les détenues de leur droit à la santé.
Mani, 35 ans, purge une longue peine. Incarcéré depuis sept ans, il souffre d’une maladie de la peau qui génère des abcès concentrés sur les parties génitales. Faute de soins, il doit porter des couches. Par ailleurs, il a subi une lourde opération du dos. Sa sœur Nora témoigne : « Je suis parfois amenée, comme la semaine dernière, à appeler le centre de détention pour taper un petit peu du poing sur la table pour qu’un médecin daigne venir le voir. C’est-à-dire qu’il s’est retrouvé allongé par terre sur un matelas complètement affaissé, raconte-t-elle. C’est aberrant d’en arriver là. »
Mani a tout simplement besoin d’un matelas correct. « La plupart du temps, sur certificat médical, le matériel peut être octroyé à la personne qui en fait la demande. Mais le chef d’établissement peut s’y opposer pour des raisons de sécurité, explique Pauline Petitot, de l’Observatoire international des prisons (OIP). Il se trouve que lui a le statut de détenu particulièrement signalé. Et donc, c’est ce statut que le chef d’établissement a invoqué. » Mani n’a pas obtenu de nouveau matelas.
Faute de pouvoir consulter un spécialiste en prison, un détenu devrait pouvoir se faire soigner à l’extérieur. Mais les conditions d’extractions sous escorte sont souvent indignes. Le plus souvent, les détenus sont menottés, entravés, chaînes aux pieds ou à la taille. « Cela conduit les personnes à renoncer aux soins, a fortiori quand ces mêmes entraves sont maintenues pendant la consultation et qu’en plus, le surveillant reste durant la consultation, souligne Charline Becker de l’OIP. On comprend que dans ces conditions-là, surtout pour les consultations intimes, les personnes refusent aussi souvent. »
L’autre point noir, ce sont les délais d’obtention de rendez-vous : plusieurs mois – voire jamais – pour les spécialités les plus demandées (soins dentaires, kinésithérapie, cardiologie, ophtalmologie), note le rapport, qui ne s’intéresse qu’aux soins physiques (et pas psychiatriques).
« Moi, ce qui m’a frappée, c’est la proportion que peuvent prendre des petites pathologies à cause du manque de moyens et du manque de soignants, note Odile Macchi, sociologue à l’OIP, coauteure du rapport. Les problèmes dentaires ou de kiné qui tout à coup surviennent. On a plusieurs cas de personnes qui ont un abcès dentaire à un moment donné et qui se tapent la tête contre les murs tellement elles ont mal, qui ne peuvent pas avoir accès à un rendez-vous et à qui on donne des antidouleurs. Ce temps d’attente est aussi aggravé par les problèmes de communication (…) J’ai l’impression qu’à délai égal, tout prend une proportion beaucoup plus importante parce qu’il y a beaucoup d’incertitude et beaucoup d’incompréhension parfois du personnel pénitentiaire qui fait l’interface. »
source: RFI