À l’origine, il y avait Les Larmes amères de Petra von Kant. À l’arrivée, voici Peter von Kant et, toujours, beaucoup de larmes, de dépit… de grotesque aussi. Du film culte de Rainer Werner Fassbinder, à l’aube des années 1970, François Ozon a tout gardé ou presque : la décoration artificielle, les répliques tranchantes, la dramaturgie allant crescendo vers la désillusion amoureuse. Sauf qu’il a inversé le genre des personnages, et tiré le tout vers la comédie teintée d’ironie mordante.
Petra, créatrice de mode lesbienne, devient ainsi Peter, un cinéaste homosexuel. Un choix légitime, sachant que pour sa pièce d’origine, le cinéaste allemand avait transposé au féminin son histoire d’amour contrarié avec l’un de ses acteurs fétiches, Günther Kaufmann.
Joué par Denis Ménochet, qui livre ici une performance inspirée, Peter apparaît aussi célèbre que tête à claques à force de maltraiter son assistant muet, le dévoué Karl, sorte de valet soumis joué par l’épatant Stefan Crepon. Entre en scène Sidonie, vieille amie retorse, incarnée par Isabelle Adjani, pâle comme une Marlene Dietrich, mais affublée d’une choucroute furieuse rappelant aussi Joan Collins dans Dynastie… Suivront d’autres personnages tout aussi pétillants mais secondaires face à l’impayable Ménochet, drapé de son ivresse, de son désespoir, de son amour déçu et de sa rage redoublée.
Le film fait l’effet d’un exercice de style artificiel et couru d’avance, lorgnant du côté d’Almodóvar et du théâtre de boulevard. Il ne trouve pas moins sa place dans la filmographie abondante d’Ozon qui, en 2000 dans Gouttes d’eau sur pierres brûlantes, adaptait déjà le théâtre du cinéaste allemand. Son œuvre et sa vision du monde le hantent « depuis toujours ». À tel point qu’il s’est pour la première fois produit lui-même.
source: Le Journal du dimanche