Non, ça ne repart toujours pas! L’automobile est sérieusement en panne. Le marché français a encore accusé une sévère chute (-16,3% à 772.000 immatriculations de voitures neuves) au premier semestre ainsi que sur le seul mois de juin (-14%). Et ce, alors que c’est en général un des meilleurs mois de l’année! Le marché semestriel plonge même d’un tiers par rapport aux six premiers mois de 2019, avant la pandémie. « On est revenu aux chiffres des années 1970 », constate François Roudier de la PFA (Plateforme automobile française). Stellantis, qui détient le tiers du marché français, est notamment en recul marqué sur le semestre (-21%), avec un effritement net de Citroën (-25%) et Peugeot (-22%). Renault a limité sa chute à 10,7% sur six mois, la hausse (+2,7%) de Dacia amortissant les -16,6% de la marque Renault proprement dite.
Dans les utilitaires, c’est encore pire. La dégringolade du marché tricolore atteint là 24,4% sur le semestre (à 183.700 unités), 22% en juin. La pénurie de semi-conducteurs et son corollaire la fermeture sporadique des usines d’assemblage des constructeurs génèrent pour une bonne part ces phénomènes. Mais le manque de pièces n’explique pas tout. « On sent un certain attentisme des clients depuis le mois de mai », souligne Stéphane Magnin, directeur commercial de Suzuki France. A cause de la grave détérioration de la situation économique mais aussi des incertitudes sur les motorisations avec les menaces pesant sur la circulation des diesels dans les grandes villes, comme celle brandie par la mairie de Paris.
« La hausse des taux d’intérêt pour les crédits mais aussi la hausse des prix de vente des véhicules peuvent aussi représenter un frein », indique François Roudier. La très nette hausse des prix pratiquée par les constructeurs pour maintenir leurs marges en dépit de la chute des volumes s’est notamment traduite au premier semestre par un recul marqué des petites voitures, lesquelles ne représentent plus que 55% du marché des voitures neuves en France. Contre presque 60% il y a deux ans. Les compactes, en revanche, ont crû à 26% du marché total, contre 23% en 2020. Les versions les moins chères ont été le plus souvent retirées des catalogues. Les constructeurs livrent plus volontiers des voitures plus grosses, mieux équipées, et donc plus chères, au détriment de la production des citadines.
C’est ce que Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, appelle le « Pricing power » (le pouvoir de monter les tarifs), comme il le martelait mercredi dernier lors d’une rencontre avec la presse dans l’usine mécanique de Metz. Thomas Besson, spécialiste automobile chez Kepler-Chevreux, met en exergue des « prix de vente élevés et une quasi-absence de remises ». L’augmentation du prix moyen atteignait déjà 6% en France en 2021, après une crue de 6% l’année précédente, selon IHS Markit. « Comme aux Etats-Unis, le marché s’adresse désormais aux gens qui ont les moyens », souligne François Roudier.
Même Dacia, la filiale roumaine à bas coûts de Renault, augmente ses prix. La Dacia Sandero est ainsi accessible aujourd’hui à partir de 10.790 euros. Le prix de base de la citadine ne dépassait pas 8.290 euros à la rentrée 2020, 8.890 à peine un an plus tard, en septembre 2021. C’est en janvier dernier que la Sandero a effectué un gros bond en avant tarifaire, passant tout d’un coup à 9.990 euros. Avant de prendre rapidement 800 euros de plus. Un SUV Dacia Duster est désormais livrable à partir de 15.490 euros. Soit… 3.000 euros de plus qu’à la rentrée 2021. Par ailleurs, l’électrification forcée des ventes accroît fortement l’inflation des tarifs. Les électriques et hybrides rechargeables s’arrogent désormais 20% du marché auto français. Or, une Peugeot 208 électrique vaut le double d’une 208 essence de base (à partir de 33.950 euros, contre 17.500). Une compacte 308 hybride rechargeable est proposée à partir de 39.850 euros, contre 25.700 pour la moins chère des versions à essence.
En contrecoup de la chute du marché, le marché de l’occasion recule aussi, victime d’une pénurie de voitures! Il « baisse toutefois moins (-12% au premier semestre à 2,7 millions de transactions de voitures) », selon le compilateur de données AAA. Ces véhicules représentent tout de même, quatre fois le marché du neuf et presque sept fois les ventes de véhicules neufs aux… seuls clients particuliers, hors flottes. Ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont les véhicules d’occasion les plus âgés (plus de dix ans), qui ne fléchissent que de 7% selon les statistiques de AAA. Ces derniers représentent d’ailleurs la moitié des transactions de véhicules d’occasion!
source: Challenges.fr